raga du début de la nuit

présentée du
03 > 21 mars 98

vit et travaille à paris

Le raga est un mode musical codifié malgré son apparente liberté d'interprétation. La maîtrise de la technique instrumentale est nécessaire pour pouvoir dépasser la simple exécution et se placer dans l'émotion. Comme pour toute autre forme d'art ...

Frédéric Hubert d'évidence maîtrise son meduim. Les poses lentes ont laissé la lumière y tracer des contours évanescents, empreintes longues et douces comme cette durable sensation d'apaisement suscitée chez le spectateur.

Le subtil travail des couleurs que les tirages Fresson exhaussent avec raffinement, révèle la rencontre de l'émotion et de la lumière.

Les photographies de Frédéric Hubert, prises en Inde, ne sont pas des photographies de voyage. Dans cette série, pas de paysages, pas de portraits, rien qui ne fasse un reportage. Les images échappent à tout exotisme kitsch, pour exemple celle de Ganesha : extirpée de l'habituelle chromo, la prise de vue du dieu à tête d'éléphant renvoie aussi bien à l'étrangeté des cultes hindous qu'aux crânes emblématiques de nos tableaux de vanités.

L'auteur dans cette série dévoile plutôt une parcelle de son territoire imaginaire et nous y laisse cheminer. En effet, le risque de l'intimisme évité, tout est nécessaire au spectateur car il n'y a rien d'évoqué qui ne mobilise l'Humain en lui.

La première impression s'apparente à celle ressentie dans nos églises, seuls lieux en nos contrées à laisser baigner l'architecture et les objets -tableaux, ciboires, tabernacles, statues- dans une lumière atténuée, imprécise et dorée que viennent ponctuer des bleus vifs et des rouges profonds. Rien de matériel n'est à prendre, à peine à regarder. Il suffit de se laisser être, d'écouter la musique intérieure.

Sous-jacente est l'impression de temps suspendu : l'état d'âme n'a que faire de la chronologie. Les quelques éléments qui marquent le temps historique n'y changent pas grand'chose. Le crépuscule est propice à la distorsion du temps, cette incertitude de chaque jour que renforce ici la faiblesse de l'éclairage, néons, ampoules nues.

Sculptures, images votives, fragments d'architectures, silhouettes, objets triviaux, ces sujets nous parlent tous de la même chose : du temps qui s'écoule et de la permanence, de la vie immédiate et du sacré, bref de notre condition humaine. L'absence de hiérarchie dans le choix des sujets le confirme, qui met au même plan une fresque se délitant, une statue sacrée, un cheval de bois et un plat de poissons frits.

Frédéric Hubert ne s'affranchit pas du réel mais en révèle la beauté simple. Question de regard sur les choses et de nécessité intérieure ...

Ghyslaine Goulley-Leloup, Paris, février 1998

Responsable de la galerie photographique de CdbM