Si mon projet artistique est axé sur la photographie, c’est qu’il n’existe pas d’autre médium capable de questionner le réel et le temps aussi efficacement. Une efficacité permettant un détachement complet (ou presque…) par rapport à ces notions. Un détachement qui facilite la cohabitation entre objectivité et subjectivité. C’est pourquoi la mise en scène est au cœur de mon travail ; elle m’aide à introduire la rencontre du hasard et de l’agencement planifié. La mise en scène est un outil au même titre que le médium utilisé. Elle m’autorise une liberté totale de penser et de mouvement. J’aime à penser que mes photographies sont des non-lieux orchestrés où les protagonistes sont des acteurs d’une réalité improbable ou encore des bribes de rêves plus vrais que nature. L’image possède alors une dimension narrative qui se passe de mots, une brèche dans le discours du locuteur qui s’interrompt subitement, sans explication. Les pièces du puzzle sont étalées, au spectateur de décider. Où peut on se positionner par rapport à l’image ? Doit elle être décryptée ou doit elle au contraire introduire ce qui existe au-delà du cadre ? L’image peut alors parler de l’avant et de l’après, du champ et du hors champ, du vrai et du faux. Elle dévoile un sens qui ne peut exister sans ce qu’elle ne montre pas. A la fois naturelles et superficielles, ces images sont l’occasion de rencontres avec des individus, des lieux pour lesquels je joue le rôle de médiateur. Cela me permet de dégager d’eux une identité nouvelle ; celle-ci est à la fois teintée d’une certaine vérité ainsi que d’une parfaite illusion. J’essaie de faire ressurgir au travers de leur authenticité quelque chose dont ils n’ont pas conscience ; les personnages comme les décors. Frederico Fellini a déclaré un jour : « Je suis un grand menteur » ; c’est une phrase qui me correspond très bien car j’aime l’idée que la manipulation du réel serve à lui donné un visage inattendu. Celui-ci peut être grave, drôle, grotesque, ironique ou encore impassible, son expressivité lui donne un sens. Cette notion s’en trouve accentuée par l’outil numérique qui permet la greffe ou l’ablation de certains éléments. Et ce toujours dans le but de m’éloigner de l’instant « vrai », authentique. Cette pratique n’étant systématique, elle brouille les pistes, pose toujours plus d’interrogation. Après tout ne peut on pas prêcher le faux pour obtenir le vrai ? Ecrire au photographe. |